Le rire du Cyclope, de Bernard Werber
Un polar pour rire, pour s’amuser, écrit dans le style de Werber. Paragraphes courts, inserts délirants sur l’origine du rire et des blagues. On retrouve la structure des Thanatonautes: Enquête/réel du récit, entrecoupés d’extraits d’une pseudo-encyclopédie (cette fois, c’est Le Grand Livre d’Histoire de l’Humour, Source: GLH), et de réminiscences du personnage principal (Lucrèce Nemrod).
J’ai découvert Werber par les Thanatonautes, puis l’Empire des Anges. Le rire du Cyclope est ma première incursion dans l’univers de la journaliste orpheline Lucrèce Nemrod, bien qu’elle soit aussi dans deux autres romans de Werber: Le Père de nos pères et L’ultime secret.
Petite anecdote: l’auteur a fait appel au public sur internet pour trouver des blagues, et pour que ses lecteurs votent pour les meilleures blagues à intégrer dans son livre.
Un bon polar, mais le penchant « informatif » de Werber devient un peu agaçant à la longue: ça sent la recette, même si elle est rigolote cette fois. C’est une recette agréable, et cette fois un peu absurde: remonter l’histoire jusqu’à la première blague; trouver les origines et la raison du rire… Mais à un moment ça tombe dans le pseudo sérieux, et du coup, c’est moins drôle. L’équilibre entre le récit et l’encyclopédie, ou le discours pseudo scientifique, est précaire. Trop de détails, d’énumération d’acteurs historiques de l’humour, et pas assez de péripéties vers la fin… Une chute de tension en quelque sorte; la sauce était trop étirée. Le mécanisme de la construction de l’histoire, qu’il nous donne à la fin, comme la construction d’une blague, est le principe de la Balle de tennis jaune, ou McGuffin; mais à un moment, quand on sent que la balle est creuse, on perd l’intérêt.
J’ai de loin préféré les Thanatonautes, pour l’imaginaire et les questions qu’il soulevait, sur la mort et l’après. Le rire, définitivement plus lourd que la mort, finalement. Trop de clichés irritants (pas dépassés): vedettes dévorées par le pouvoir et le public, mère étouffantes ou absentes, père qui préfère l’Autre… La jeune séduite par le vieux… Il y a une contradiction de trop dans cette histoire de rire pour que le désir de suspendre le réel demeure longtemps, ou pour que l’histoire nous habite… Les Thanatonautes m’avaient habitée, dérangée, séduite, alors que le rire du Cyclope me laisse l’impression d’une manipulation par le vide, par la mécanique du récit.