Je lis plus vite que j’écris! Donc, la semaine dernière je lisais Les sources de la Magie, de Joël Champetier… et cette semaine La Tueuse de Dragons, d’Héloïse Coté.
Quelques impressions du roman de Champetier… Un chien qui parle, une jeune fille de seize ans délurée, un magicien solitaire, un homme politique ambitieux et un roi nerveux et dépressif: la galerie de personnages est excellente, juste assez en marge des conventions pour donner un caractère surprenant et unique à chaque personnage, sans qu’il paraisse artificiel. L’histoire est bien menée, des prémisses qui mènent à l’enlèvement de Marion à la résolution de l’intrigue politique. Encore une fois, le récit est plus complexe que compliqué: les désirs et les obstacles des personnages sont clairs, les situations bien posées, et on y croit, parce que les personnages ont cette profondeur que donnent les conflits internes (par exemple, présence de désir, mais refus d’agir par crainte de la déception). La magie est rationalisée juste ce qu’il faut: à tout acte magique correspond une demande d’énergie, et une conséquence dans l’univers physique autant que psychique. Le talent « magique » ne suffit pas, il faut encore apprendre à la maîtriser et pratiquer constamment pour ne pas perdre la main. L’acte magique ressemble à l’acte d’écrire, ou à la pratique de toute forme d’art.

Une scène m’a particulièrement interpellée, en raison de sa charge vraiment forte de sens. Les pouvoirs magiques et ceux de la sorcellerie s’y rencontrent comme deux principes, l’un masculin et rationnel et l’autre féminin et sensuel. La sorcière crée Mademoiselle la Simile à partir d’une mèche de cheveux de Marion, malgré l’incrédulité de Maître Corybanthier, qui n’a aucune confiance en la sorcellerie.La création de la simile demande su sang, pas n’importe quel sang, comme pour une transfusion: lien familial, être de même sexe, enfin plusieurs critères définissent les donneurs potentiels. La relation entre la sorcière et le magicien est toute en attirance et inquiétude, peur et malentendus, ce qui fait qu’elle est fascinante. La scène de la naissance de la simile porte cette séduction/méfiance, tout en étant pleine de suspense: cette sorcellerie réussira-t-elle? Permettra-t-elle vraiment d’aider à retrouver Marion? Pourquoi maître Ian n’a pas pu donner son sang? Qu’est-ce que son frère lui a caché? Une scène excellente, que j’entrepose dans mon antologie personelle des meilleures scènes pivot de romans.
Les sources de la magies, de Joël Champetier.
Quant à la Tueuse de dragons, c’est un Alire à relire! J’ai vraiment adoré! Une personnage féminin brisé, une sorte d’antihéroïne blasée et dépendante, hors normes. Elle dépasse tous les clichés! Je me suis vraiment complètement immergée dans ce personnage. Une femme hors séduction, qui cherche à se définir par ce qu’elle accomplit. Elle a besoin d’aide, mais elle ne l’accepte pas facilement. Elle a été blessée par la vie, mais continue coûte que coûte, suivant son instinct de survie et son désir de se démarquer. Les dragons sont conventionnellement dangereux et carnivores, mais ils gagnent en complexité au fur et à mesure où on avance dans le récit. J’avais lu une mauvaise critique de ce roman, je ne sais plus où, mais je n’aurais jamais dû hésiter autant avant de le lire! Loin d’être déçue, j’ai lu un récit très bien mené, qui exploite ce qu’on aime de la fantasy: les pauvres soldats barouettés selon les désirs de rois ambitieux, les trahisons et la loyauté absolue, les bâtards et les mystiques. Toute la force réside dans son personnage principal: actuel, poussé à bout de vie, qui cherche à tout prix une issue à son mal être. Un prix Boréal/Aurora amplement mérité! Donc, non contente de l’avoir emprunté à la bibliothèque, je vais aller me l’acheter, pour pouvoir le relire à loisir quand j’aurai envie de me sortir de mon spleen.
Des scènes marquantes? La poursuite d’un dragon qui se solde en échec, des séjours en prison qui endurcissent la couenne mais usent l’âme, une confrontation avec son passé marquante. Quand Deirdra revoit son maître Bradeus, toute sa fragilité refait surface, toute ses blessures la mettent à vif, mais elle va jusqu’au bout d’elle-même. Une quête magnifique! Un petit bémol: quelques scènes de combats sont trop décrites, chaque coup est marqué; et le paysage politique entre le méridion et l’austrion prend du temps à devenir clair (en tout cas pour moi, qui ai lu un peu en diagonale le premier passage, un peu long, où Côté remonte quelques centaines d’années en arrière pour expliquer le pourquoi du comment les trois régions nordiques sont isolés du sud…alors que la manière dont c’est suggéré à la fin suffit amplement!)
La tueuse de dragons, d’Héloïse Côté.
Ma foi, après ton bon mot au sujet de RESET, je vais être obligé de conclure que je me suis fait une nouvelle fan. 😉 Si les compliments me font plaisir, ce n’est pas tant pour mon ego que parce qu’ils me rassurent sur le fait que mes lecteurs et lectrices n’ont pas regretté le temps qu’ils ont consacré à lire une de mes oeuvres. Je vais signaler ton blogue à Héloïse Côté, qui ne l’a peut-être pas repéré.
Bonne continuation avec ce blogue,
Joël Champetier